Que vous y soyez « encouragé » par vos clients ou investisseurs, que vous y soyez personnellement sensible ou que le durcissement de la réglementation européenne vous y contraigne, la décarbonation des activités économiques est désormais incontournable, a fortiori pour les entreprises industrielles !
Les accords de Paris adoptés en 2015 ciblent une réduction des émissions de gaz à effet de serre permettant de contenir l'élévation moyenne des températures mondiales en deçà de +2°C, et si possible 1,5°C en 2050 (par rapport aux niveaux préindustriels). Les initiatives privées et publiques se multiplient, s'organisent : la stratégie nationale bas carbone (SNBC) est la feuille de route nationale pour atteindre cet objectif et l'initiative volontaire SBTi(Science-based Targets Initiative) propose un accompagnement spécifique aux entreprises pour la mise en place de leurs objectifs de décarbonation. Il en existe bien sûr une multitude d'autres…
Ce faisant, il est parfois difficile de naviguer entre respect des obligations, ambition et communication et le risque de greenwashing n'est jamais loin.
Actions de décarbonation : de forts enjeux financiers et réputationnels
Au-delà des aspects écologiques et réglementaires, les impacts des actions de décarbonation sur le volet financier sont eux aussi de plus en plus importants : les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), la taxonomie européenne ou encore la stratégie climat d'une entreprise influent indirectement, via l'image de marque, ou directement la capacité des entreprises à se financer. La Banque de France cherche notamment à intégrer ces enjeux et développe actuellement un indicateur climat dans la cotation des entreprises. Les entreprises sont donc poussées à agir en toute transparence, même si les sanctions proviennent pour l'instant principalement du marché, avec des enjeux de réputation ou de coût de l'énergie.
Les entreprises sont alors attendues sur plusieurs niveaux :
- Est-ce qu'elles agissent pour la décarbonation ?
- Est-ce que leurs actions sont significatives et alignées avec les enjeux ?
- La communication associée est-elle correcte ?
Greenwashing ou “écoblanchiment”en lien avec la décarbonation : quelles problématiques ?
Effectivement, une entreprise dont la communication n'est pas adéquate est pointée du doigt comme faisant du greenwashing. Cet “écoblanchiment”, en français, consiste à mettre en avant un argument écologique de manière trompeuse, disproportionnée ou incomplète pour se donner une image écoresponsable, quelles que soient les pratiques réelles. Différents abus peuvent être relevés :
- L'usage d'un vocabulaire inadéquat ou flou
- Des actions non représentatives du propos : par exemple une entreprise qui indique réduire ses émissions de GES alors qu'elle met en place un processus de compensation.
- Des lacunes dans le propos : pas d'argumentaire, de date de référence…
Le cas Air France
En 2022, Air France propose à l'achat d'un billet une option “Environnement” qui consiste à « compenser » les émissions de CO2 liées au vol, en participant au financement de projets de reforestation et en investissant dans le développement et l'achat de carburants alternatifs. Plusieurs associations ont estimé que cette pratique relevait du greenwashing en donnant à croire aux passagers qu'ils pouvaient prendre l'avion sans émettre de CO2 en payant une simple option. La mobilisation générale a permis également de mettre en doute l'efficience des projets de reforestation et de pointer l'insignifiance actuelle des carburants alternatifs.
La notoriété de l'entreprise étant menacée, Air France a admis un « manque de cohérence » et s'est engagée à « revoir en profondeur » le dispositif. L'option apparaît toujours, mais sans mention de projets de reforestation ou de compensation directe, en évoquant une « contribution à la réduction des émissions de CO2 sur [les] futurs vols » de la compagnie. (Voir l'article de Novethic à ce sujet)
Quelques bonnes pratiques pour éviter le greenwashing :
- Ne pas utiliser “neutralité carbone” à l'échelle d'une entreprise, d'un produit ou d'une activité. Cet équilibre entre une quantité de carbone produite et absorbée n'a de sens qu'à une échelle nationale ou planétaire.
- Ne pas employer “zéro émission” pour qualifier un produit qui émet peu ou moins de GES qu'un autre, en laissant penser qu'il n'en émet aucun, mais préférer la notion d'objectif de zéro émission nette.
- Faire attention à la manière de mettre en avant un projet de compensation, système largement controversé. Le principe de compensation vise à financer un projet de captation du carbone, lequel doit permettre la réduction des GES d'une autre activité. Fin janvier, une enquête publiée dans The Guardian* révélait que 90% des crédits carbone certifiés par Verra (important standard de certification des crédits carbone de compensation volontaire) ne représentent pas de réduction réelle d'émissions, ce qui confirme la nécessité de ne pas faire l'amalgame entre réduction et compensation. Il est alors important par exemple de communiquer sur la preuve que le projet n'aurait pas existé sans le financement de l'entreprise.
Greenwashing : une réglementation qui se structure et se renforce
Les réglementations liées au greenwashing sont peu coercitives, car les problématiques sont récentes et le cadre assez flou. Elles se renforcent toutefois, notamment à l'échelle de l'Union européenne :
- La Loi climat et résilience : en France depuis le 1er janvier 2023, la neutralité carbone d'un produit ou d'un service ne peut être mise en avant sans preuve.
- La communication de la DGCCRF (ministère de l'Économie) assimile les pratiques d'écoblanchiment aux pratiques commerciales trompeuses légiférées par le code de la consommation.
- La norme internationale ISO14068, prévue pour 2024, doit donner un cadre au management de la neutralité carbone en entreprise.
- Le projet européen de directive " Green claims ", en cours de négociation avec les États membres et la Commission européenne, doit inclure l'interdiction des affirmations environnementales non étayées, définir des sanctions dissuasives et empêcher la prolifération des labels.
- L'obligation par la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD, Directive européenne avec une entrée en vigueur progressive depuis le 1er janvier 2023) d'intégrer le scope 3 (émissions de la chaîne de valeur complète de l'entreprise, qui sont souvent peu et/ou mal traitées) aux actions de décarbonation de plus en plus d'entreprises.
Le cas Vodafone et Nestlé
Le risque pour les entreprises est réel : dans une étude de Google, les 3/4 des dirigeants affirment que la plupart des entreprises de leur secteur seraient accusées de greenwashing en cas de contrôle minutieux. Face aux risques réputationnels, aux réglementations et aux attentes des consommateurs, Vodafone et Nestlé ont mis en place des comités d'experts afin de vérifier plusieurs fois les communications environnementales avant publication. (Voir l'article de WSJ à ce sujet)
La réglementation étant de plus en plus exigeante sur les sujets de décarbonation, les enjeux de communication se renforcent eux aussi. Il est primordial pour les entreprises de les anticiper. Un accompagnement indépendant et expert sur ces sujets peut être nécessaire pour y parvenir.
Les équipes de Naldeo peuvent vous épauler, n'hésitez pas à nous contacter !